Les Archives départementales de la Mayenne : du "palais" à l'édifice actuel (1923-1993)

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Cet ensemble documentaire constitué de textes, de photographies et de vidéos retrace l'histoire du bâtiment ainsi que ses grandes évolutions architecturales.  

La création des Archives départementales 

Créées à la Révolution, les Archives départementales ont d'abord eu pour vocation de recevoir et conserver les archives des institutions d'Ancien Régime ainsi que les papiers séquestrés sur les émigrés et les établissements ecclésiastiques. Depuis, elles sont le lieu de conservation définitive des documents produits par toutes les administrations publiques établies sur le territoire du département. Elles peuvent en outre s'enrichir de dons ou de dépôts de papiers privés (familles, entreprises, syndicats, associations, etc.).
Les Archives départementales collectent, classent, conservent et communiquent ces documents répartis sur près de 22 km de rayonnages.
Une équipe d'une vingtaine d'agents mène à bien ces différentes missions tout en assurant l'accueil du public en salle de lecture.
Service du Conseil départemental depuis 1986, les Archives départementales sont placées sous la tutelle scientifique et technique du Ministère de la culture et de la communication (Service interministériel des Archives de France).

De la rue du Hameau à la prairie de la Guéttière 

Créées par la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) qui porte réunion dans les chefs lieux de département de tous les titres et papiers acquis à la République, les Archives départementales répondent alors à des besoins nouveaux : conservation des archives des institutions nouvelles, regroupement des fonds des administrations de l’Ancien Régime, prise en charge des archives saisies comme biens nationaux.

Le premier préfet de la Mayenne, Nicolas Harmand, prend ses fonctions en l’an VIII (1800) dans un hôtel particulier de la rue du Hameau à Laval. Les archives y sont alors naturellement placées, dans un local tellement étroit que tout travail de classement y est impossible.

Il faut attendre 1821 pour que le préfet s’installe enfin dans l’hôtel préfectoral construit sur l’emplacement de l’ancien couvent des Jacobins. Les archives sont encore peu importantes : on les place dans un serre-papier situé au deuxième étage de l’édifice. La nouvelle construction présente toutefois de nombreux défauts de conception et dès 1827 un début d’incendie se déclare dans le local. Il ne cause pas de dommages mais constitue le premier épisode d’une longue série de déconvenues liées aux archives et aux locaux affectés à leur conservation.

La collecte de fonds s’intensifiant, les archives s’accroissent à un point tel que le serre-papier est plein et que, plus grave, le plancher commence à s’affaisser. On cherche vainement un espace plus vaste et plus adapté, pour finir contre toute logique par monter les archives d’un étage supplémentaire pour les placer… dans les combles !

Dès 1858, un nouvel affaissement des planchers oblige à tout redescendre au rez-de-chaussée et à transférer une partie des fonds départementaux dans une annexe du palais de justice, avant de décider, en 1859, de bâtir un bâtiment destiné spécifiquement à la conservation des archives du département. Cette construction, qui ouvre dès 1860 sur le terrain de la préfecture, est un simple quadrilatère dépourvu de fenêtre mais éclairé par une verrière dont on ne tardera pas à s’apercevoir qu’elle laisse passer la pluie, le vent et le soleil. 

À peine installées, les maigres collections s’accroissent subitement (et considérablement !) grâce au versement des très volumineuses archives des juridictions d’Ancien Régime. Dix ans après sa mise en service, le local est déjà saturé. Le conseil général repousse l’idée d’un agrandissement du bâtiment au motif que celui-ci aurait caché en partie le pignon du bâtiment principal de la préfecture.

Les transferts successifs de documents au palais de justice, l’aménagement des combles des communs et le stockage de documents dans les écuries de la préfecture en 1883, ne font que repousser l’échéance mais la construction d’un bâtiment pour les Archives départementales reste inéluctable. 

Dès son arrivée en 1896, Ernest Laurain, archiviste de la Mayenne, dresse un bilan désastreux de la situation et s’attelle immédiatement au projet de création d’un nouveau dépôt. Il ne dénombre pas moins de six annexes, en plus du dépôt principal où plus de 1600 registres ou liasses s’entassent sur les planchers. Le constat est tout aussi déplorable au palais de justice et dans les greniers des communs. « Quant à l’écurie, je préfère n’en point parler », ajoute l’archiviste.

Il faut attendre 1898 pour que le conseil général vote le principe d’un agrandissement. Le préfet et le conseil général refusent que l’emprise du futur bâtiment n’empiète sur le potager de la préfecture. On songe donc un temps à installer les Archives départementales - ainsi que la bibliothèque municipale et le musée archéologique - dans le château de Laval, qui abritait jusqu’alors la prison. L’idée est abandonnée en raison d’une surface insuffisante et du manque de clarté de l’édifice. En 1908, on renonce également assez rapidement à un projet d’établissement dans le grand séminaire rendu vacant par l’application de la loi de séparation des Églises et de l’État.

En dépit des déceptions et de conditions de travail éprouvantes, Ernest Laurain ne se décourage pas et poursuit sa tâche. Le cabinet de l’archiviste est froid et humide, les documents s’accumulent, Laurain souffre de rhumatismes et de bronchite. A l’automne 1911, à deux reprises, des vitres de la toiture se sont brisées : des documents sont noyés. Laurain y voit la métaphore de son quotidien : « Cette inondation est comme l’image de ma situation parmi les dossiers envahisseurs : je ne peux plus résister et je ne sais où ranger tout ce qui m’arrive ».

L’éclaircie se produit en 1909 lorsqu’une commission spéciale, nommée par le conseil général, propose d’acquérir un terrain pour y construire un nouveau bâtiment pour les Archives départementales. Ce terrain, situé non loin de la gare et à une distance raisonnable de la préfecture, est celui d’un ancien cimetière lavallois désaffecté en 1887. Il s’agit de la prairie de la Guéttière.
 

Pour aller plus loin : découvrez la ville de Laval à la fin du XIXe siècle et le cimetière de la Guettière en images !

 

La construction du bâtiment des Archives de la Mayenne (1909-1923)

En 1909, l’architecte départemental, Léopold Ridel, est chargé de l’élaboration des plans du futur bâtiment des Archives départementales. Il décide de se rendre en voyage d’étude à Agen où un dépôt d’archives départementales vient d’être construit par Jacques-Albert Courau, architecte départemental de Lot-et-Garonne.

Le décès de Léopold Ridel, le 25 juin 1910, bouleverse ces projets. C’est en fait Jules-Félix Castaing, ingénieur des Ponts et chaussées de la Mayenne, qui part à Agen pour étudier le dépôt des Archives départementales. Le préfet de la Mayenne, à qui l’ingénieur rend un avis positif, demande à l’architecte Agenois de dresser les plans du futur édifice mayennais. Castaing est désigné pour diriger les travaux.

À la préfecture, dans son « dépôt chargé jusqu’au sommet », Ernest Laurain attend avec une impatience non dissimulée le premier coup de pioche sur le terrain de la Guétière. Enfin, en mars 1913, l’entrepreneur Louis Couppel, choisi par le conseil général, ouvre le chantier. La livraison du bâtiment est prévue pour le mois de décembre 1914.

A la fin du mois de juillet 1914, le gros œuvre est achevé et la sculpture de la façade principale est en cours. Le 1er août 1914 à 17 h 30, l’entrepreneur stoppe brutalement le chantier : c’est la mobilisation générale. Les travaux ne reprennent qu’en 1920 et ne s’achèveront qu’en novembre 1923, soit vingt-sept années après l’arrivée d’Ernest Laurain en Mayenne !

Le bâtiment, qui ouvre ses portes en 1923 et « qu’une partie du public, ignorante et surprise, décore du nom de palais », est formé d’une structure en béton armé et de planchers en forme de caillebotis constitués de dalles de fonte ajourées (fabriquées par la Fonderie Pellier de Brives près de Mayenne). Sur les murs de façade, de style néo-classique, alternent le granite, la roche dure de Chauvigny ainsi que la pierre de Lavoux.

Le nouveau dépôt, d’une capacité de plus de 5000 mètres linéaires, dispose de tous les locaux nécessaires au bon fonctionnement d’un service départemental d’archives : salle de lecture, bureau du directeur, magasins de conservation (situés dans les étages), salle de tri et de classement, logement du concierge, bibliothèque.

Au bonheur des premiers jours, succèdent pourtant quelques déceptions et déconvenues : les dalles de fonte utilisées pour combattre le manque de lumière rendent les étages dépendants les uns des autres et le nettoyage beaucoup plus difficile, les jours de pluie l’eau s’infiltre avec abondance dans le bâtiment par l’escalier de la terrasse.

En 1923, la ville de Laval suggère qu’un square ouvert au public soit établi autour des Archives ; il faut alors songer à l’aménagement d’une grille d’enceinte et du jardin. Après moult hésitations, le choix se pose sur une « grille décorative sur murette basse ». Les travaux s’achèvent en mars 1927.

Lorsque Henry Chanteux prend la direction des Archives en 1934, il trouve un dépôt en ordre et fonctionnel.
Le bâtiment, bien que situé à proximité de la gare, ne subira que peu de dommages pendant la seconde guerre mondiale, le projet des autorités allemandes consistant à installer une batterie de DCA sur le toit terrasse ayant fort heureusement été abandonné grâce à l’intervention du préfet !

Dès 1958, des inquiétudes apparaissent concernant la saturation à venir du bâtiment. De longues années vont s’écouler avant qu’une solution, peu satisfaisante, ne soit trouvée. Devant l’impossibilité d’extension du bâtiment des Archives départementales  - un temps imaginée à partir de la façade nord mais à laquelle on renonce faute de pouvoir acquérir les terrains nécessaires - le choix est fait d’acquérir un bâtiment annexe. Le 30 avril 1966, le département achète l’ancien entrepôt de la maison d’édition Masson, situé de l’autre côté de la rue Ernest-Laurain. Des magasins, une salle de tri et de classement et un pilon y sont aménagés entre 1968 et 1969.

La construction d’un pavillon, à l’angle nord-ouest du bâtiment des Archives, vient compléter l’ensemble et permet l’aménagement de deux logements (un pour le concierge, un pour le directeur) et du laboratoire de microfilm.

 

Pour aller plus loin : découvrez la construction du bâtiment en images !

 

 

"Solidité de la pierre, chaleur du bois" : la construction de l'extension, un parti pris architectural (1989-1993)

Au début des années 1980, le volume de documents produits conduit de nouveau à étudier la question des capacités de conservation. Un centre de préarchivage du Département est aménagé en face du bâtiment principal.
En 1989, est décidée l'extension du bâtiment principal, destinée à doter le service d'une capacité de stockage suffisante pour les décennies à venir. 

C’est l’équipe constituée par Dominique Perrault et Alfred Heude qui, le 4 décembre 1989, est désignée comme lauréate du concours d’architecture d’agrandissement ou de reconstruction des Archives départementales de la Mayenne. Leur proposition prend en compte l’ancien bâtiment construit au début du XXe siècle, entièrement vidé et restructuré mais dont les murs de façade sont conservés. L’accent est mis sur une intégration « douce » de la nouvelle structure dans son environnement :


L’ agrandissement des Archives Départementales de la Mayenne s’inscrit dans une politique nationale de mise en valeur du patrimoine culturel français. Conservation et Communication, tels sont les maîtres-mots du projet architectural qui doit donc, selon nous, exprimer, révéler, signifier l’usage et la mission de l’ouvrage. (…)
Le choix de conserver le bâtiment existant n’est pas la solution la plus économique au regard des constructions préfabriquées souvent utilisées pour stocker les archives, mais il s’avère le plus intéressant urbanistiquement et architecturalement.
En effet, dans un environnement de constructions peu élevées, l’apparition d’un ouvrage imposant, entièrement nouveau, pourrait être reçue comme une « agression », un acte d’architecture brutale.
A contrario, en s’appuyant sur le volume du bâtiment existant comme point de départ du projet, l’installation des éléments de stockage devient compréhensible et acceptable. Aussi, avons-nous affecté le bâtiment ancien aux fonctions de communication et le bâtiment neuf aux fonctions de conservation.
Ce dernier se présente sous forme de volumes simples recouverts de bois, type « Red Cedar ». Le parti pris de réaliser un ouvrage en bois fait suite à cette volonté d’insérer en douceur une architecture dans un paysage. (…)

                                                                                                        Dominique Perrault – Alfred Heude, 1989

 

 

 

 

Pour aller plus loin : découvrez le projet d'extension et les travaux du bâtiment en images ! 

Le 22 mars 1990, une journée portes ouvertes a été organisée par le Conseil général de la Mayenne dans différents services à l'occasion des 200 ans de la création des départements.
Archives de la Mayenne, 1628 W 20.

 

 

 


Le chantier s’achève en août 1993 et la toute nouvelle salle de lecture de 65 places accueille ses premiers lecteurs le 5 octobre. L’édifice est inauguré le 7 octobre 1994 par Jacques Toubon, ministre de la Culture et Jean Arthuis, président du conseil général de la Mayenne.

 

 

 


Harmonieux et équilibré, l’imposant bâtiment, constitué de deux volumes joints par une articulation métallique regroupant l’ensemble des circulations verticales, abrite six niveaux de conservation, une salle de conférence de plus de cent places, deux laboratoires photographiques, une salle d’exposition, une salle destinée à l’accueil des scolaires, une salle de lecture, une vaste salle de tri et de classement ainsi qu’un ensemble de bureaux spacieux et lumineux.

Les trente-six magasins de conservation (six par niveau), portent la capacité de stockage à environ 25 000 mètres linéaires.
 

 

 

 


Presque vingt ans après, la Commission régionale du patrimoine et des sites reconnaît l’intérêt architectural du bâtiment et son caractère emblématique de l’architecture du siècle dernier, en lui attribuant le label Architecture contemporaine remarquable

 

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